Ça commence comme ça:
Rama, jeune romancière, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France. Mais au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement.
Ce que nous en pensons:
Certains films parviennent à nous prendre aux tripes sans pour autant nous malmener. C’est le cas de Saint Omer, un long-métrage de type procès mené de mains de maîtresse par la réalisatrice Alice Diop.
Saint Omer est un film judiciaire brillant et cela pour plusieurs raisons.
La première est que sa réalisatrice nous rappelle ici qu’avant de juger une affaire, il faut d’abord la comprendre. Un aspect primordial lors d’un procès puisque de cette « enquête » va découler la lourdeur de la peine. Dans ce long-métrage la culpabilité de Laurence n’est plus à prouver puisqu’elle a fait ses aveux. Pourtant, des mystères subsistent. Dès lors, Alice Diop nous plonge au cœur d’une mise en abîme intelligemment orchestrée. Nous assistons à de multiples récits dans le récit permettant de suivre ce procès assez particulier comme ci nous y étions.
La deuxième excellente idée du film a été d’établir un parallèle entre Rama et Laurence, dont les similitudes ne font qu’augmenter au fur et à mesure que le procès avance. En plus, d’ajouter une part de psychologie supplémentaire, cela permet aux spectateurs de comprendre que n’importe qui peut, du jour au lendemain, basculer du mauvais côté. L’accusée est décrite comme intelligente par ceux qui l’ont côtoyée, alors comment expliquer cet acte horrible ? Une question d’autant plus glaçante que Saint Omer s’inspire de l’affaire Fabienne kabou qui avait défrayé la chronique en 2013.
Ensuite, Saint Omer est un quasi-huis clos, Alice Diop ne s’éloignant de la salle d’audience que pour quelques scènes nous plongeant au cœur des interrogations de Rama. Ce procédé permet de mieux appréhender l’aspect oppressant d’un procès. Les questions fusent ne laissant à Laurence Coly que très peu de répits. Un mal nécessaire puisque de cette « charge de cavalerie » incessante va finir par naître la vérité. Un dénouement tout aussi glaçant que le reste du long-métrage.
Nous ne pouvons conclure cette critique sans évoquer le casting de Saint Omer. Kayije Kagame (H24, 24 heures dans la vie d’une femme) dans le rôle de Rama et Guslagie Malanda (Mon amie Victoria) dans celui de Laurence sont d’une justesse incroyable. Une interprétation de funambules qui, alliée à un montage sans fioritures, apporte une dose de réalisme supplémentaire à Saint Omer. À noter aussi la présence de Salimata Kamate connue, entre autres, pour son interprétation de Madeleine Koffi dans la trilogie de Qu’est-ce qu’on a fait…
Alors que les films de procès n’ont plus guère la côte auprès des réalisateurs, Saint Omer vient prouver que ce genre a encore sa place au cinéma. Alice Diop, spécialisée jusqu’ici dans les films documentaires, signe un long-métrage puissant montrant à quel point le rôle d’une cour d’assises va plus loin que de prononcer un simple jugement. De plus, en s’appuyant sur une affaire réelle, la réalisatrice prouve à quel point une vie peut basculer à tous moments. Une œuvre multirécompensée ( Grand Prix du jury de la Mostra de Venise 2022, Prix Jean Vigo 2022 et César du meilleur premier film 2023) qui mérite amplement d’être vue.
Caractéristiques du DVD:
- SAINT OMER
- De: ALICE DIOP
- Avec: KAYIJE KAGAME, GUSLAGIE MALANDA, VALÉRIE DRÉVILLE…
- Nationalité: Français
- Genre: Drame judiciaire
- Classification: Tous publics
- Durée: 2h03
- Producteur: SRAB Films, Pictanovo Images en Hauts-de-France
- Distributeur: Blaq Out
- Date de sortie: 4 avril 2023
- Prix: 19,99€
Les bonus:
- une rencontre avec la réalisatrice Alice Diop (9 min VOST)
Un jolie segment où la réalisatrice nous explique ses motivations, ses combats… À voir absolument
Cette chronique a été réalisée à partir d’un DVD offert par l’attachée de presse du groupe Blaq Out .